Shownotes
Soazig Barthélémy est Directrice et co Fondatrice de l’association Empow’her, créée en 2013 : l’association soutient l’empowerement des femmes partout dans le monde grâce à la force de l’entrepreneuriat. Le quotidien de Soazig : piloter une association intervenant dans +12 pays à travers 4 continents !
« J’ai choisi la voie de la passion et de la conviction par rapport au sujet, qui se recoupe très bien avec le métier d’entrepreneure et de dirigeante d’organisation sociale. Je ressens un sentiment d’accomplissement malgré les nombreuses contraintes. »
Dans cet épisode, vous découvrirez :
- Comment passer de membre Fondatrice bénévole à Directrice salariée ?
- Comment s’organise la Gouvernance d’Empow’Her et quel est son modèle économique,
- Comment et avec quels outils manager une équipe permanente sur plusieurs continents,
- Quels sont les défis de Soazig en tant que Dirigeante ?
- Quels statuts juridiques pour développer des filiales à l’étranger ?
- Comment mesurer l’impact de son association ?
La Fiche d’identité d’Empow’Her :
Empow’Her est une association qui contribue à l’empowerment des femmes partout dans le monde.
Cette association est le fruit de la réflexion d’un groupe d’ami.e.s parti en voyage pendant 6 mois dans différents pays à la rencontre des femmes entrepreneures. Empow’Her poursuit l’ambition de donner aux femmes la liberté et la capacité d’entreprendre et de réaliser leurs projets et leurs ambitions.
Les Chiffres Clés de l’association :
- Fondée en 2013.
- Depuis, Empow’Her a agi dans près de 12 pays dans le monde, principalement en Afrique mais aussi en Amérique Latine, en Asie et en Europe y compris la France.
- + de 1 400 femmes accompagnées en 2018 pour créer et démarrer leur entreprise.
- + de 20 personnes à temps plein dans 4 pays ou l’association s’est développée.
Comment passer de membre Fondatrice bénévole à Directrice salariée ?
- Avec la croissance des activités, l’équipe bénévole ne pouvait plus porter l’association de manière qualitative. Pour développer la structure de manière pérenne, il fallait des personnes investies à temps plein.
- En 2015, Soazig décide de se consacrer à 100% à Empow’Her.
« La transition est assez naturelle. »
- Cependant, il n’était pas concevable de développer l’association seule. Elle décide alors de renforcer le Conseil d’Administration, dans son rôle et sa composition.
- Puis de renforcer l’équipe permanente : 4 personnes s’engagent en même temps que Soazig, dans le cadre de stages et services civiques. Depuis, certains·es font même toujours partie de l’équipe permanente.
« Le virus m’a piquée au fur et à mesure, j’avais envie d’y passer plus de temps. C’est ce que je préférais faire de mes journées ».
Comment s’organise la Gouvernance ?
Le Bureau :
- Un bureau composé de 3 personnes: Président, Secrétaire, Trésorière.
- Le bureau se réuni en présentiel une fois par mois sur Paris. La fréquence mensuelle est idéale. L’ordre du jour est envoyé par WhatsApp.
- Un échange en plus avec la Trésorière une fois par mois pour tenir la trésorerie et préparer le reporting financier.
Le Conseil d’Administration :
- Le CA est l’organe le plus important. Il a un rôle d’orientation stratégique.
- Composé de 11 personnes dont 2 représentants·es des structures locales.
- Certaines personnes investies depuis le début ont un rôle de garde-fou, de respect de la vision. Elles ne sont pas au contact au quotidien avec Empow’her, et peuvent apporter la prise de recul nécessaire.
- Des personnes avec une expertise spécifique vont apporter un regard technique.
- Le CA se réunit 4 fois par an:
- Le CA de l’été est un séminaire international où toutes les équipes d’Empow’Her se réunissent en France. Le CA de fin d’année permet d’effectuer un bilan et d’imaginer les perspectives de l’année suivante.
- Les 2 autres CA dans l’année sont consacrés aux chantiers stratégiques, qui permettent aux Administrateurs·rices de travailler plus concrètement sur des enjeux opérationnels ou stratégiques mais qui correspondent aux problématiques rencontrées par l’équipe à temps plein.
- Chaque année, 2 à 4 chantiers stratégiques sont identifiés, par exemple le digital, les enjeux économiques. Ils sont portés par un·e membre de l’équipe permanente autre que la Dirigeante, et composés d’Administrateurs·rices si possible non membres du Bureau, pour impliquer tous les membres de la Gouvernance. Chaque chantier stratégique démarre avec un CA en avril puis se réunit à 2 ou 3 reprises dans l’année pour réfléchir aux enjeux, aux pistes à mener et compléter les travaux de l’équipe opérationnelle. Ce sont des moments très importants. Les chantiers se clôturent à l’automne.
L’Assemblée Générale :
- Une Assemblée Générale qui comprend entre 15 et 20 membres.
- L’AG se réunit 1 fois par an. C’est un enjeu, car l’objectif n’est pas de répéter ce qui s’est dit au CA puisque ce sont quasiment les mêmes personnes.
- Une réflexion est en cours sur comment mieux arranger les 2. L’objectif est de faire quelque chose de plus léger et de bcp moins technique sur certains enjeux.
Comment manager une équipe permanente répartie sur plusieurs continents ?
- Le démarrage a été compliqué car il n’y avait aucun financement. Ce fut un pari. L’équipe est aujourd’hui présente dans 4 pays.
- En France, elle est composée de 2 parties :
- L’équipe qui pilote les projets en France et en Europe: 1 salariée + 2 personnes en Service Civique.
- L’Equipe qui coordonne les activités à l’international dont Soazig fait partie : 4 personnes salariées + 1 personne en stage.
- À l’étranger, Empow’Her a fait le choix de travailler avec des entrepreneurs·es locaux, hommes et femmes qui développent leur propre Empow’her.
- C’est un équilibre à trouver : il est nécessaire de conserver un regard sur ce qui se passe, tout en laissant une certaine autonomie aux Directeurs·rices d’Empow’her locaux qui font grandir leur structure au rythme et à la manière dont ils·elles le souhaitent.
« Car on engage le nom, l’expertise, la marque que l’on représente. »
- Aujourd’hui, la Direction travaille en direct avec les Hub: ce sont les filières locales. Le reste de l’équipe internationale va plutôt travailler avec les équipes opérationnelles dans un souci de renforcement des capacités et de transfert d’expertise.
- En tant que Directrice, Soazig travaille avec toutes les équipes.
- Les équipes travaillent aussi entre elles. Il n’y a pas qu’un rapport avec l’équipe en France. L’idée est de travailler en cercle, d’échanger les bonnes pratiques, les expériences, les savoirs. C’est un management collaboratif. Soazig a le souhait que les équipes sur le terrain puissent avoir leur mot à dire et participent à la Gouvernance. Cela nécessite un management par l’écoute active. Il faut laisser de la place aux entrepreneurs locaux. L’esprit d’entreprendre est fondamental.
« Nous sommes très à l’écoute de ce qui se fait sur le terrain. On ne sait pas mieux que les personnes qui rencontrent les difficultés ou qui vivent l’expérience sur le terrain. »
Quels sont les outils utilisés dans le pilotage de l’association ?
- Slack : un outil qui centralise les flux de travail. Cela réduit considérablement les échanges de mails et les discussions parasites. C’est un outil très efficace, qui fonctionne très bien dans tous les pays.
- La suite Google : Elle permet d’avoir des drives pour stocker et partager toutes les informations.
- L’agenda partagé : Communiquer avec les équipes pour savoir exactement quand la direction est disponible ou non. Soazig y intègre tous les rdvs, les moments pour ne pas être dérangée etc. C’est un outil très important.
- Airtable : Un outil de gestion de projets et de fundraising. Il permet de rentrer toutes les opportunités. C’est une base de données qui permet de suivre les opportunités, de suivre les échanges avec les bailleurs. C’est un outil qui permet de concentrer l’information et de faire du suivi.
- Groupe CA sur WhatsApp : Outil efficace dédié à la gouvernance. Le compte WhatsApp est utilisé pour les urgences ou les informations ponctuelles demandant moins de travail de mise en forme, de collecte et de préparation de l’information.
Quels sont les défis de Soazig en tant que Dirigeante ?
- Pérenniser : au début il n’y avait aucune structure. Le défi était de tout créer, de tout développer. Aujourd’hui, la structure est différente : le niveau de charges n’est pas toujours compressible. C’est un véritable enjeu que de pérenniser la structure et de ne pas avoir qq chose de trop fluctuant. C’est un vrai challenge qui occupe beaucoup de place !
- Faire grandir l’équipe et intégrer des personnes qui ont plus de séniorité, plus d’expérience, qui ont vu d’autres choses. Il faut faire entrer l’innovation de ces personnes tout en conservant ce qui a déjà été fait et ce qui fait la valeur ajoutée d’Empow’her. Intégrer la nouveauté tout en gardant un fil conducteur.
- Gérer l’internationalisation : Empow’Her est un réseau global avec des dizaines d’Empow’her dans le monde. Soazig doit faire face à beaucoup de difficultés pour arriver à développer la structure plus globalement.
- Alimenter sa zone de génie : Soazig aime la création. Aujourd’hui, c’est un aspect moins présent. C’est important d’avoir conscience de sa zone de génie, pour continuer à se faire plaisir aussi dans son métier au quotidien et combiner habilement deux postures très différentes : Dirigeante et entrepreneure.
« Il faut arriver à gérer la part de soi, l’énergie, le bout d’âme que l’on met dans l’entreprise avec le développement. Il n’y a pas eu une seule journée où j’ai regretté mon choix. »
Quels statuts juridiques pour développer des filiales à l’étranger ?
- Rappel : les hubs sont les filiales locales d’Empow’Her. Les Directeurs·rices de Hub sont aussi adhérents·es du Hub.
- Les hubs ont des statuts juridiques différents car les systèmes varient d’un pays à l’autre. Le système le plus courant est celui d’une création locale combinée d’une association et d’une entreprise.
- C’est le cas pour l’association Empow’Her Côte d’Ivoire et l’association Empow’Her Niger. En parallèle, pour la diversification du modèle économique, il est nécessaire de créer une structure commerciale appropriée qui supporte la génération de revenus.
- Une association française ne peut pas avoir de filiale. Mais elle peut détenir des parts dans une société commerciale. Ainsi, l’association loi 1901 Empow’Her France est le principal actionnaire des sociétés commerciales étrangères. Les associations locales ne sont pas actionnaires des sociétés commerciales.
Quel est le modèle économique d’Empow’Her ?
Un modèle économique hybride :
- Distinguons le modèle économique actuel du modèle vers lequel Empow’Her souhaite aller : il s’agit d’un modèle économique hybride.
- Empow’Her à le souhait d’accroître son autonomie financièrepar rapport à différents bailleurs, de conduire des projets et faire de la recherche. Aller vers des choses qui paraissent logiques et cruciales à mener et ne pas forcément faire avec juste ce qui est disponible en termes de financement. Il est important pour l’association de générer de nouveaux revenus pour augmenter son autonomie.
- C’est important pour l’association de continuer à aller chercher et mobiliser des financements disponibles par des bailleurs publics et privés. C’est ce qui lui a permis de grandir, de mener les toutes premières actions et ce qui continue de les faire avancer. C’est une opportunité pour mener des actions qui ne vont pas forcément être rentables, par exemple pour une cible de population très vulnérable qui ne pourra pas payer le service apporté.si
- Cependant, certains bailleurs ont des lignes directrices et des thématiques extrêmement précises dans lesquelles l’association ne rentre pas toujours, en termes de critères d’évaluation, de temps d’action, de temporalité etc. Empow’Her a identifié sa source potentielle de revenus.
Une stratégie économique qui repose sur 3 axes :
- Les contributions financières des bénéficiaires : C’est un choix financier et méthodologique. Nous connaissons les travers du tout gratuit. Les contributions des bénéficiaires demeurent symboliques pour ne pas constituer un frein. C’est une stratégie de volume qui nécessite un changement d’échelle afin d’amortir les coups.
- Proposer l’expertise d’Empow’Her :
- Empow’Her est capable d’accompagner les femmes entrepreneures mais aussi d’accompagner les organisations qui vont avoir un impact sur les femmes.
- Empow’her bénéficie d’une expertise reconnue pour ses diagnostics, sa formation spécialisée pour les femmes entrepreneures, pour la formulation d’orientations stratégiques, pour l’animation de réseaux féminins et pour intégrer les questions d’empowerment au sein des organisations publiques et privées.
- C’est une piste très importante qui contribuerait à financer les actions de l’association auprès des femmes entrepreneures et diffuserait plus largement son impact.
- Adapter le modèle économique des Empow’Her locales : il est souvent nécessaire de s’appuyer sur un tiers-lieu permettant aux bénéficiaires de se retrouver, de se former, de trouver de l’information et d’avoir du soutien. Ces lieux pourraient générer un revenu complémentaire avec par exemple de la location d’espaces. La contribution demandée permettrait de financer d’autres événements gratuits. Cela dépendra de ce qui sera possible localement, en fonction du pays.
Un modèle qui augmente sa part de commercialisation :
- En 2017, 20% du budget global provenait de ces nouvelles sources de revenus.
- Aujourd’hui, il est nécessaire d’augmenter cette part et de rendre flexible la manière de travailler. Il faut apporter de nouveaux outils.
- Il n’y a pas forcément d’appréhension au niveau de l’équipe pour vendre ou commercialiser ce que l’on fait. Il y a une compréhension de cette nécessité.
« Car il existe le constat que ce qui a été proposé aux femmes de manière gratuite, l’a été beaucoup sur un modèle d’assistanat qui ne leur permettait pas de prendre conscience que ce sont elles qui sont aux manettes, ce sont elles qui décident. »
- Si les femmes bénéficiaires achètent un service, elles sont en mesure d’exiger un résultat de qualité. Cela permet une posture très différente dans laquelle on se soucie davantage encore de l’impact. Diversifier son modèle économique oblige à s’interroger sur son niveau de qualité et sur la valeur ajoutée des services, sa proposition de valeur.
- Il y a un double enjeu aujourd’hui : continuer à mesurer l’impact pour voir et comprendre ce qui fonctionne ou non ; et mieux accompagner les femmes dans les aspects où il faut faire plus d’efforts. C’est tout l’enjeu de la mesure d’impact. Pour Empow’Her, il est important de mesurer le niveau des changements produits, positifs ou négatifs, dans la vie des femmes accompagnées.
- En même temps, il faut continuer de travailler sur de nouveaux outils, avec des discours différents qui permettent de vendre les services d’Empow’Her. Et toujours avec la même équipe permanente. Ce sont des approches différentes qui nécessitent du temps et des ressources.
Comment mesurer l’impact d’Empow’Her ?
Les tableaux de bords et indicateurs :
Les chiffres sont suivis tous les mois et communiqués par trimestre.
Indicateur premier: nombre de femmes accompagnées.
Indicateurs de structuration de l’association:
- Indicateurs financiers, comme le budget consommé par rapport au budget prévisionnel.
- Les ressources mobilisées, ce qui est en cours et ce qui reste à chercher. En matière de fundraising, il faut mettre le paquet sur le premier semestre.
- Le niveau de trésorerie: suivi tous les 15 jours, c’est le nerf de la guerre. Il faut anticiper: c’est la seule solution pour pallier les creux qui se présentent, pour négocier avec certains bailleurs à aider à passer certains mois.
Indicateurs de management de l’équipe permanente : des objectifs mensuels personnels et pour l’équipe.
Exemple d’objectifs : explorer une thématique, financer un type de formation, aller chercher un financement, échanger avec une structure. Ce sont des objectifs très divers.
Indicateurs de mesure d’impact:
- 1 personne dédiée à la mesure d’impact à travers le monde, qui travaille avec les équipes opérationnelles pour mettre en œuvre une méthodologie de mesure d’impact et effectue un relevé d’indicateurs chaque trimestre. Cette personne travaille aussi sur la...