Comment piloter un pôle de compétitivité d'envergure européenne ?
Patrick Coquet est délégué général de l’association Cap Digital, pôle de compétitivité, depuis 2006. Il est titulaire de la reconnaissance Gold du Cluster Management Excellence et membre de la French Tech.
Ingénieur de formation, il débute sa carrière chez Dassault Electronique, et travaille sur des sujets techniques qui concernent les réseaux.
En 2000, il crée une start-up qui développe des logiciels internet, puis il rencontre fin 2005 les fondateurs de ce que sera Cap Digital et accepte de construire l’équipe du collectif.
Patrick prend le temps, dans cet épisode, de partager sa vision du métier de délégué général et son expérience à la tête d’une équipe de 40 permanents·es, 1 000 adhérents·es et 150 experts·es.
Dans cet épisode, vous découvrirez :
- Les enjeux d’un pôle de compétitivité,
- Comment maintenir une animation avec 1 000 adhérents·es,
- Quelle est l’évènement signature du Pôle,
- Quels sont le positionnement et le rôle du délégué général,
- Quelles sont les parallèles avec l’expérience d’entrepreneur, créateur d’entreprise,
- Quelles sont les plus grandes réussites du Pôle.
La fiche d’identité de Cap Digital :
Cap Digital est le Pôle de compétitivité européen de la transition numérique et écologique basé en Ile-de-France. C’est un collectif qui rassemble tous les acteurs de l’innovation : start-up, laboratoires de recherches, entreprises et grandes entreprises, écoles, universités, investisseurs.
Cap Digital accompagne le nouveau monde industriel en réunissant tous les acteurs de l’économie du numérique et du développement durable.
Créé en 2006, Cap Digital a aujourd’hui un rôle fondamental et une place de choix pour porter les visions et les projets du futur.
C’est une structure associative qui compte une équipe d’une quarantaine de personnes. Elle a pour objectif de créer et d’animer un écosystème : ici les acteurs du numérique et de la ville durable. Le pôle écologique a été intégré à Cap Digital en 2018. Ce sont deux pôles moteurs pour l’avenir, très structurants pour la société.
Les chiffres clés :
- Un délégué général avec +12 ans d’expérience,
- 1 000 adhérents répartis sur 6 marchés,
- 150 experts,
- 40 permanents·es,
- Un festival qui accueille tous les ans plus de 15 000 personnes,
- 750 projets de Recherche et Développement labelisés,
- 1,6 Millions d’euros d’investissement R&D,
- 65 pass French Tech.
Quelle est la principale mission de Cap Digital ?
- Cap Digital a pour mission de pousser l’innovation, de faire en sorte que l’innovation se déploie plus vite dans le pays et touche l’ensemble des acteurs.
- Cap Digital aide au développement des projets.
Quels sont les enjeux d’une telle structure ?
- L’enjeu principal est la collaboration. Cap Digital porte des projets collaboratifs. Il s’agit de créer du lien entre petites et grandes entreprises, laboratoires et industries.
- L’accélération des start-ups, PME, entreprises qui ont besoin d’aide pour aller plus vite (besoin d’un coaching, de se préparer à la levée de fond, objectif d’internationalisation de l’entreprise ou d’européanisation dans un premier temps).
- L’accélération de la transition numérique et écologique. Il s’agit de faire se rencontrer des entreprises innovantes avec des entreprises qui ont besoin d’innovation. Exemples ces dernières années entre des start-ups et des grands comptes, mais aussi entre start-ups et administrations. Il y a des programmes qui permettent d’accélérer ces transitions.
- L’accélération des compétences. Accélérer la transformation c’est aussi accélérer les compétences. Un deuxième lieu a été créé à St-Denis qui est dédié à la formation. Le premier lieu, principal, se situe dans Paris XIIème.
Il y a eu aussi l’ouverture du programme Cap Digital Campus : ce sont des formations courtes données pour des entrepreneurs par des entrepreneurs.
Il s’agit aussi de faire comprendre ce que l’on peut faire avec de la donnée numérique, de l’intelligence artificielle, de la réalité virtuelle etc.
« Cap Digital est là pour accélérer le transfert d’innovation vers l’économie qui a besoin de bouger beaucoup plus vite. »
Comment s’organise un pôle de compétitivité ?
Le pôle se répartis en 3 grands types d’adhérents :
- Les entreprises,
- Les acteurs de la formation-recherche,
- Les partenaires institutionnels.
- Il faut ajouter les investisseurs. Une douzaine de fonds d’investissement sont membres de Cap Digital.
Cela représente l’ensemble de l’écosystème d’innovation et les acteurs qui peuvent faire bouger l’innovation.
Comment est managée l’équipe permanente ?
- Il y a 40 personnes permanentes salariées.
- Une hiérarchie a été mise en place afin que tout reste « manageable ».
- Le Délégué Général a beaucoup moins de contacts réguliers avec l’équipe aujourd’hui qu’au début lorsque l’équipe était plus restreinte.
- Il existe un premier niveau de collaborateurs : 7/8 collaborateurs qui sont des chefs d’équipe, des responsables.
- Il y a des réunions de CODIR régulières, des entretiens etc.
- Le réseau d’experts donne du temps.
Comment le pôle s’organise-t-il pour gérer un nombre aussi important d’adhérents·es ?
Le pôle est structuré en 6 marchés :
- Images : effets spéciaux, jeux vidéo,
- Santé : sport, bien-être,
- Ville : bâtiment, construction,
- Industrie : nouvelle industrie, façon de réindustrialiser dans la ville (imprimantes 3D, customisation),
- Numérique orienté usage : services proches de l’individu ;
- Formation – talents.
Il y a un travail qui est fait afin de bien connaître les entreprises (entretiens individuels, enjeux de l’entreprise etc).
Quelles sont les étapes de développement d’un pôle de compétitivité ?
Les étapes de préfigurations :
- Le dossier a été porté en amont de la création, en 2005, il a été supporté par un collectif, des associations également (jeux vidéo, livres numériques, structures effets spéciaux). Il y a eu un consortium autour de ce projet, avec notamment la ville de Paris, la Région IDF.
- C’est au moment où le dossier a été accepté, qu’il y a eu la recherche d’un délégué général. Et l’arrivée de Patrick.
- Il a fallu construire une relation de confiance et une relation franche avec les administrations.
- Il y a d’abord eu le soutien à la création de quelques grands projets, qui ont été les premiers projets emblématiques du pôle en termes de R et D (Recherche et Développement), soutenu par l’Etat très rapidement.
- Un exemple : le projet AG3D sur les effets spéciaux et l’animation. Ce projet a réuni tous les acteurs de ce domaine à l’époque. Un aspect fédérateur sur toute l’industrie du film d’animation a été créé.
- Autre exemple : au niveau du jeu vidéo qui a réuni aussi une bonne douzaine d’acteurs de ce milieu. Cela a permis de créer une dynamique. Les premiers projets sont rentrés très vite dans le pôle de compétitivité.
La création d’une équipe solide :
« Nous ne sommes pas seuls dans ce genre de projet ».
- Patrick Coquet est resté peu de temps le seul membre de l’équipe permanente, au tout début.
- Dans les 2 mois, il y a eu le recrutement de 4 à 5 personnes. Ce sont des personnes qui « baignaient » déjà un peu dans le milieu. Cela s’est fait rapidement.
- Le directeur R et D est présent depuis le début. Il fait partie des piliers de l’association. Il avait également un parcours en grande entreprise puis en création d’entreprise. Il avait une vision industrielle importante aussi.
- 40 personnes, c’est une véritable PME car ceux qui ont monté le dossier ont fait partie de la gouvernance, du Conseil d’administration.
- Il n’est pas seul à bord, mais entouré d’acteurs qui ont monté le projet.
« Nous avons beaucoup d’ambitions et toujours plein de projets. »
Quel est le positionnement du délégué général ?
« Pour être délégué général, il faut être solide ! Il faut savoir résister et rester un socle pour le reste. »
- Il faut savoir laisser passer les tempêtes et prendre du recul.
- Il faut travailler dans la durée.
- C’est un métier passionnant, qui nécessite un énorme investissement.
« Délégué général, c’est un métier passionnant : la vie rythmée par les actions que l’on mène. Le challenge, c’est d’abord d’emmener. C’est aussi l’enjeu d’un délégué général, c’est de veiller à ce qu’il y ait toujours du gagnant-gagnant : on est beaucoup dans l’économie du partage ».
Quels sont les parallèles avec l’expérience d’entrepreneur ?
« Cap Digital, je l’ai conçu, vécu comme une entreprise en termes de management d’équipes et de projets. »
- L’expérience de créateur d’entreprise est importante, celle de la levée de fonds également.
- Cap Digital est conçu, vécu comme une entreprise en termes de management d’équipe et de management de projets.
- Au quotidien, il faut parler, interagir avec les entrepreneurs, avec le monde de la recherche aussi. Cela exige une capacité relationnelle.
- Cap Digital est un « Tiers-lieu de confiance entre les acteurs ». Parler le même langage que les acteurs était une chose importante. Il faut bien les connaître et connaître leur univers.
« Au sein de Cap Digital, on est un tiers-lieu de confiance entre les acteurs. »
- La création d’entreprise apporte aussi la connaissance du monde des investisseurs que l’on retrouve aussi chez Cap Digital.
- L’aspect services publiques, l’aspect institutionnel est en revanche une découverte que lui a apporté la gestion de Cap Digital.
Le financement
« C’est sûr que l’angoisse, c’est toujours le financement et le fond de roulement ».
- Il y a beaucoup de retards de paiement avec les subventions, avec les factures d’entreprises. Cela reste compliqué à gérer.
- Le pôle bénéficie d’une belle crédibilité et est suivi par les banques.
- La capitalisation du pôle est un sujet à part entière. Il faut trouver le financement.
Le pôle est-il conseillé par des experts financiers ?
- Il y un comptable interne et un cabinet de commissaire aux comptes.
- Le sujet de la capitalisation est un dialogue avec l’Etat. Le sujet des fonds propres est un sujet qui concerne l’ensemble des pôles.
- Les banques proposent des solutions.
- Le pôle n’utilise pas les services d’un cabinet spécialisé.
La stratégie
Il s’agit d’abord d’emmener une stratégie, de la porter.
- Il y a plus de de 1 000 structures adhérentes, plus de 150 experts qui interviennent très régulièrement dans le pôle pour expertiser des projets de R et D ou pour venir en appui dans les entreprises sur leur business plan et sur d’autres sujets.
- Patrick est très attaché à l’équipe opérationnelle et à ses experts.
- Il s’agit de coordonner et de mener l’ensemble du collectif dans une même direction.
L’équilibre gagnant – gagnant
- De nombreuses personnes donnent de leur temps pour faire tourner le pôle. Ils en retirent de l’enseignement.
- Aussi l’enjeu d’un délégué général est de veiller à ce que les échanges soient toujours gagnants-gagnants. Il faut veiller à cet équilibre.
- C’est la mise en place d’une économie de partage.
- Ils ont intérêts à participer, à donner de leurs temps et en échange ils obtiennent une meilleure visibilité, ils comprennent les stratégies
Y’a-t-il des problèmes particuliers ?
« Comme un chef d’entreprise, il y a toujours des cailloux dans la chaussure, ce n’est jamais fluide à 100 % ».
- Des problèmes concernant le financement d’un projet,
- L’Administration qui demande toujours plus de justificatifs,
- Un audit qui intervient et toutes les règles à vérifier.
Comment le métier de délégué général peut-il évoluer ?
- Il y a peu d’évolution en tant que tel pour le métier. Il peut y avoir une évolution avec la reconnaissance du pôle et de la fonction.
- En revanche, il y a une évolution du réseau.
« Une structure qui progresse c’est une structure qui sait garder ses dirigeants un certain temps. »
- Il faut créer des liens de confiance avec les adhérents et les partenaires.
- Il faut aussi créer des relations amicales. Il y a de l’humain derrières les enjeux.
- Pour faire ce métier il faut avoir un esprit entrepreneur : le dossier de la phase 4 est un dossier ambitieux.
- Il y a une tendance à vouloir faire progresser le pôle, à créer des emplois.
- Tout dépend de l’engagement du gouvernement sur les pôles de compétitivité pour la phase 4. L’engagement n’est pas assez clair encore de la part du gouvernement.
Comment animer, maintenir une adhésion avec autant de personnes ?
Les évènements
- Le pôle organise énormément d’évènements, d’actions et d’ateliers liés à ses marchés. Il y en a pratiquement tous les jours.
« On organise beaucoup de choses, beaucoup d’évènements, d’ateliers : pratiquement tous les jours. »
- Le siège est situé à Paris dans un bel immeuble ancien. Le rez-de-chaussée du bâtiment est affecté à réception. Il peut accueillir entre 30 et 100 personnes. Cela permet de mettre en place beaucoup de réunions et d’actions tout au long de l’année.
Quel est l’évènement signature de Cap Digital ?
- L’évènement le plus important est le festival qui s’appelle « Futures ».
- Il est ouvert à tous les publics et rassemblent entre 15 et 20 000 personnes.
- Il se situe dans des grands lieux sur Paris (La Villette, la Manufacture des Gobelins…)
- Le numérique s’inscrit aussi dans une histoire industrielle.
Existe-t-il d’autres actions ?
- Le « Strat Camp » est un questionnement sur la stratégie dans le secteur. Il s’agit de travailler la vision et les tendances.
- Un cahier des tendances est édité tous les ans. C’est un univers qui évolue très vite.
- Toute l’année s’organisent des évènements plus ciblés en rapport avec les différents marchés.
- Le festival Futures est décliné en plusieurs petits festivals : en des « futurs thématisés ».
Il y une sélection d’une quinzaine d’entreprises qui viennent présenter leurs innovations pendant une journée. Ce sont des portes ouvertes à tous.
- Il existe des évènements à l’international également. Le pôle est un pôle européen. Les adhérents sont basés surtout en IDF à 90%. Les évènements se déroulent donc principalement en IDF. Mais il y des filiales d’entreprises étrangères.
- Il y a une ambition forte de pôle européen sur la phase 4 du pôle. Il y a une volonté d’ouverture beaucoup plus importante sur l’Europe.
- Un grand pavillon sygraph est organisé aux Etats-Unis tous les ans, il réunit une quinzaine d’entreprises dans le secteur de l’image.
- Un festival « Futur in Africa » a été organisé également, deux jours à Casablanca au mois de mars en lien avec la Région IDF.
C’est un moyen pour commencer à créer des liens entre entreprises et start-ups, un moyen pour créer des liens business. L’idée est de croiser les savoir-faire des entreprises africaines et françaises.
Quelles sont les plus belles réussites de Cap Digital ?
- La création du festival « futures enseignes ». Une partie de l’équipe et aussi des adhérents n’était pas très enclins à créer un festival. Certains pensaient que ce n’était pas le rôle d’un pôle de compétitivité.
- La Vision Cap Digital.
- Faire le lien entre innovation et utilité pour la société. C’est tout l’enjeu de la phase 4 du pôle de compétitivité.
« Tous les projets au sein de digital doivent être canalisés pour répondre à des défis de société ».
- Il faut transformer de façon concrète, utile et compréhensibles.
- Il faut traiter l’inclusion. L’équilibre de la société est lié à cela
Le mot de la fin ?
« Merci pour cette interview, je trouve ça très sympathique. Et puis si ça conforte le rôle de délégué général d’association ou d’institution, c’est vrai qui est peu connu, alors je suis content d’avoir pu dialoguer avec vous. »
Comment contacter Patrick ?
Vous aviez raté la présentation de Patrick ? Voici le teaser de l’épisode.
https://youtu.be/_e5suPDh71M
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