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BLINDSIDE, un spectacle de Stéphanie Morin-Robert
Episode 110th October 2022 • Le Café Molière • Théâtre Cercle Molière
00:00:00 00:15:31

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Shownotes

Dans ce premier épisode, nous retrouvons la metteuse en scène Stéphanie Morin-Robert qui vient parler de son prochain spectacle: BLINDSIDE.

Durant 15 minutes, Stéphanie nous raconte la création de ce spectacle autobiographique où comédie et vulnérabilité s'entrecroisent avec cette question: Qu'est-ce que grandir en tant que minorité francophone dans le nord de l’Ontario… avec un œil de verre ?

En bonus, écoutez en avant-première un extrait de son spectacle à la fin de l'entrevue!

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In this first episode, we meet director Stéphanie Morin-Robert who comes to talk about her upcoming show: BLINDSIDE.

In 15 minutes, Stéphanie tells us about the creation of this autobiographical show where comedy and vulnerability intertwine with this question: What is it like to grow up as a francophone minority in Northern Ontario... with a glass eye?

Bonus: listen to a preview of her show at the end of the interview!

Invitée : Stéphanie Morin-Robert.

Animation : Morgane Lemée

Conception sonore et montage : Vincent Blais

Conception visuel : Arielle Morier-Roy

Une co-production avec Pop Comm’.

Transcripts

Stéphanie:

"Je me dis wow... ça, c'est beaucoup mieux qu'un premier baiser". Et à ce jour, c'est la chose la plus intime que j'ai jamais fait avec qui que ce soit. Et j'ai accouché de deux enfants.

Morgane:

Bonjour à toutes et à tous. Nous sommes en ce moment dans l'enceinte du Théâtre Cercle Molière, au cœur de Saint-Boniface, et nous sommes en compagnie de Stéphanie Morin-Robert qui présente le spectacle BLINDSIDE qui inaugure la saison 2022 2023 du TCM. Bonjour Stéphanie.

Stéphanie:

Bonjour.

Morgane:

Stéphanie. Est ce que d'abord vous pouvez nous en dire un peu plus à votre sujet et vous présenter s'il vous plaît ?

Stéphanie:

Oui, comme tu l’as déjà dit je m'appelle Stéphanie Morin-Robert. J'habite ici à Winnipeg depuis trois ans environ (on arrive trois ans) et je suis originaire de l'Ontario, Timmins en Ontario et vers l'âge de 18 ans, j'ai déménagé pour aller habiter à Drummondville, au Québec, et j'ai fait un DEC en danse programme de deux ans. Et après ça, j'ai passé en audition pour aller à Concordia et prendre le programme de danse contemporain et de chorégraphie à Montréal.

Stéphanie:

Et voilà, j'ai passé quatre ans dans leur programme et j'ai vraiment adoré. Après ça, j'ai eu une offre d'emploi pour travailler pour le Fringe à Montréal et je me suis lancée dans le Fringe à Montréal. Je ne savais pas c'était quoi au début, puis finalement, ça a complètement changé ma vie parce que de là, j'ai vraiment commencé à faire des tournées à temps plein et à créer des spectacles, à utiliser du texte dans mes spectacles parce que de base, je suis vraiment chorégraphe, donc...

Stéphanie:

Et voilà, j'ai pas arrêté depuis et ça fait sept ans, quasiment huit ans que je tourne plusieurs pièces, entre autres, vraiment Blindside en anglais.

Morgane:

Merci. Alors justement, Blind Side, ça parle de quoi dans les grandes lignes ? Qu'est ce que c'est ? À quoi les gens peuvent s'attendre dans ce spectacle ? Il me semble qu’il y a quelques particularités.

Stéphanie:

BLINDSIDE parle de moi, parle de ma jeunesse. À l'âge de huit ans, j'ai eu un moment dans ma vie où j'ai dû changer d'école au milieu de la troisième année, ce qui m'a beaucoup bouleversée parce qu'à l'âge de deux ans et demi, j'ai eu un cancer sur la rétine de l'œil, qu'on appelle ça un rétinoblastome. Et finalement, ils m'ont enlevé mon œil à l'âge de deux ans et demi.

Stéphanie:

Et ça, ç'a été comme bouleversant. Je dirais plutôt à l'âge de huit ans, parce qu'il fallait que je change d’école et finalement, je me suis rendu compte “Ah OK ! J'ai un handicap”. Je le savais pas au début. Je ne savais pas que mon oeil, c'était quelque chose de différent parce que j'étais entourée de familles, des gens qui me connaissaient et qui connaissaient mon histoire.

Stéphanie:

Fallait jamais me présenter ou même expliquer le cancer que j'ai eu quand j'étais jeune. Donc le spectacle parle vraiment de cette transition là et comment j'ai pu surmonter mon handicap et vraiment le voir plutôt comme un pouvoir magique. Je mélange beaucoup de danse et aussi tout ce qui est multimédia et des marionnettes des trucs comme ça. C'est un one woman show, donc c'est vraiment moi sur scène et je conte avec beaucoup de vulnerabilités, vraiment mon histoire qui est super réelle et personnelle et triste, mais surtout drôle, un peu dégueulasse (rire), mais bon.

Stéphanie:

Euh. Puis c'est une pièce qui a beaucoup développé, échanger avec moi au fur et à mesure que j'allais créer. Aussi le plus que je me présentais devant une foule, j'ai vraiment trouvé moyen de devenir confortable avec des histoires. Au début, c'était difficile de les compter. Là, ça fait longtemps que je travaille là dedans et que je m'habitue. C'est rendu plutôt amusant et beaucoup de... Tu sais c’est humoristique.

Morgane:

Vous l'avez dit, le spectacle en sept huit ans, il a évolué avec vous, il a grandi, il a changé. Et il me semble qu'une des nouvelles particularités de votre spectacle, c'est justement que vous le présentez en français maintenant et vous l'avez présenté en anglais pendant longtemps. Est ce que vous pouvez nous expliquer pourquoi ? Pourquoi ça s'est passé de l'anglais au français et comment s'est passé ce processus de traduction ?

Stéphanie:

J'ai eu la piqûre super jeune pour le théâtre et tout ce qui est arts de la scène. Mais quand j'ai découvert le Fringe, le marché du travail, je me suis trouvé vraiment dans un marché de travail super anglophone pendant dix ans maintenant. Et, tu sais les opportunités... J'ai dit oui puis finalement, quasiment dix ans plus tard, je me rends compte que “Oh, je suis en train de perdre ma langue !”.

Stéphanie:

Tu sais mes enfants chez moi on a de la difficulté de se parler en français. Ils me comprennent pas. Puis, dès que j'essayais de leur parler, même un tout petit peu en français, c'est comme “Mom not in French !” et puis ça me brise le coeur et puis ça fait quasiment dix ans. Et puis passé super tranquillement, mais là on dirait c’est vraiment un choc quasiment culturel de plonger dans cet univers là.

Stéphanie:

Faire la traduction, d'apprendre le texte, puis vraiment le trouver dans mon corps. Parce que tout ce qui est comme structure musculaire dans la bouche je me rend compte c'est vraiment différent (rire). Puis au secondaire, et aussi quand je suis passée au Cégep, quand j'ai habité à Montréal, c'était vraiment. Je voulais pas y réfléchir. J'étais vraiment plongée dans ma culture et c'est mon chum francophone, mes amis.

Stéphanie:

On se parlait en français. Je trouvais que j'avais pas l'effort, vraiment à comme forcer, comme je dois faire en ce moment, il y a vraiment un méga effort qui doit se faire. Je sais que c'est important. Puis je me suis dit OK, je vais appeler le Théâtre Cercle Molière, “Oh, il y a un théâtre francophone à Winnipeg”.

Stéphanie:

Je venais de déménager, mais j’ai dit est-ce qu'on peut se rencontrer pour, pour discuter d'un projet parce que je pense que je pourrais faire la traduction. Puis comme ça, je vais commencer à rencontrer du monde qui sont aussi francophones, puis m'intégrer dans la communauté. Donc c'est vraiment un plus gros projet.

Morgane:

Qu'est ce que qu'est ce que vous espérez ? Faire découvrir, faire ressentir ?

Stéphanie:

Mon but en tant qu'artiste, c'est de toujours faire des choses qui me rend un peu inconfortable. Tu sais pas trop, mais assez pour dire que je pousse mes limites. Puis je suis vraiment en train de m’étirer dans des directions. Puis aussi, je dois être réaliste, ce qui fait que, en anglais, ça fait dix ans que je gagne ma vie à être... Faire du stand-up puis aussi à faire du storytelling dans tout ce qui est récit.

Stéphanie:

Donc ça va prendre du temps ! Parce que c'est vraiment, c'est un nouveau chapeau aussi, j'ai comme une autre personne, quasiment quand je parle en français, je dois trouver mon “stage persona”. C'est comme vraiment un parcours beaucoup plus plus gros que ce que je pensais que ça allait être. Mais je suis partante et j'y travaille fort pour être prête, ouais ! (rire).

Morgane:

Merci. Merci Stéphanie. Je pense que vous allez nous lire un extrait de votre pièce BLINDSIDE.

Stéphanie:

Oui.

Morgane:

Et quel passage vous allez nous présenter ?

Stéphanie:

Vraiment l'histoire qui a fait en sorte que je voulais écrire la pièce dès le début, où j'ai rencontré quelqu'un dans un camps de séjour, puis que ça a vraiment changé ma vie, je dirais. C'est un peu cliché, mais bon. Euh, je partage, je partage ça comme histoire.

OK, donc me voilà devant les portes du camp de vacances et dans une main, je tiens ma valise et à l'intérieur se trouve tout ce que je n'ai pas besoin, car je l'ai fait moi même ! Yeah ! Par terre, à côté de moi, il y a mon sac de couchage enroulé comme un roulé à la cannelle et dans ma poche gauche j’ai un oeil de verre de rechange. Un p’tit sidenote à l'âge de deux ans et demi, j'ai été diagnostiqué avec un rétinoblastome qui est une tumeur sur la rétine de l'oeil et m’on enlevé mon oeil 48h après. Bonne décision. Salut tout le monde, j’suis encore là yeah ! Ça fait toute ma vie que je suis comme ça. Puis même quand je réfléchis “Ah ça fait quoi avoir deux yeux ? Ça me donne mal au cœur ”.

Stéphanie:

No offense. le camp c'est où j'ai appris à devenir un peu beaucoup obsédée par les garçons parce qu'il y en avait partout, et je n'étais pas habituée. Donc là, on est autour d'un feu de camp, on se compte des histoires, on fait griller des guimauves. Puis il faut retourner à notre cabane parce que là il est tard.

Stéphanie:

Faut aller se coucher, donc je marche, je vais jusqu'à la cabane numéro neuf et là, je marche avec mes chums de filles et on rigole... Puis on parle de la journée. Mais pendant que je marche, je me rends compte que quelqu'un me suit. Je fais semblant de ne pas me rendre compte, je continue à marcher et finalement, cette personne se rapproche encore et encore.

Stéphanie:

Mais là, je dis toujours rien je commence à marcher un peu plus vite. Je ne sais pas si je devrais avoir peur et là, je sens que cette personne met une lettre dans ma poche arrière de mon jean, et je dis toujours rien. J'attends que je sois dans mon lit superposé en haut avec mon sac de couchage par dessus la tête, ma lampe de poche allumée.

Stéphanie:

J'ouvre la lettre et c'est écrit “Rencontre moi derrière les toilettes”. C'est signé Andrew. Je sais c’est qui, Andrew est le plus beau, le plus charmant, le plus drôle. Et il veut me rencontrer derrière les toilettes. C'est tellement romantique. Alors je me dis “Yeah, this it ça va être mon premier baiser !”. OK, je commence à me lécher les lèvres parce que c'est comme ça qu'on se prépare pour notre premier baiser.

Stéphanie:

Puis je commence à courir, puis je cours le plus vite possible et il y a la bave qui coule sur mon manteau. Mais je suis prête. Puis je m'arrête, je m'arrête à mi-chemin parce que là, je me dis “Qu'est ce qui arrive s’il se rencontre pour mon œil? Est ce qu’il va quand même vouloir m'embrasser ?”. Mais là, je continue à lécher mes lèvres.

Stéphanie:

Et de toute façon, qu'est ce que tu as à perdre ? Ah, je continue à courir puis je me lèche encore les lèvres. La bave coule encore plus, jusque sur mon t-shirt gris, mauvais choix. Puis le voilà. Il est là, il m’attend. Il a les bras croisés. On se regarde les pieds que je rapproche tranquillement. J'essaie d’être subtile avec le regard. Je ne veux pas qu'il se rend compte pour mon œil.

Stéphanie:

Je suis encore plus subtile avec le léchage des lèvres (bruits de langue). Et finalement, il se rapproche un peu. Il se rapproche encore plus puis là vu que j’ai seulement un œil, je ne sais pas à quel point il est proche ou loin parce qu'on le sait juste pas. Puis là il prend sa main, puis il l’a met entre nos deux visages. Je regarde sa main, je regarde vers lui et je me dis “Oh shit”.

Stéphanie:

“Non seulement qu'il va m’embrasser mais il va aussi toucher mon visage !”. Ma sœur m'a jamais avertie de cette partie là parce qu’elle m'a donné un play by play. Mais là, il prend sa main puis il l’a met... sur son visage. Puis Andrew enlève son œil de vitre qu’il tient devant moi. C'est même pas un camp pour les handicapés je te le dis, ça s'invente pas ces histoires là !

Stéphanie:

Je regarde son œil, je regarde à lui, puis je me dis “Oh oui, baby tout de suite” (bruits de langue). Puis il se rapproche encore plus. Puis j'ai le cœur qui bat j’ai les genoux qui shake. Puis je me dis “Aaaah”... Et puis il se rapproche pour chuchoter et chuchote “Qu'est ce que t'attends ?”. Je regarde autour de moi, je me lèche les lèvres. Finalement, je prends ma main et je touche mon visage.

Stéphanie:

Et pour la première fois devant qui que ce soit, j'enlève mon œil de vitre que je tiens devant lui. On a nos deux yeux. Puis on se regarde direct dans l'œil très... commode. Et sans dire un mot, on s'échange nos prothèses, ça s'invente juste pas, ces histoires là ! Puis là, avant de mettre sa prothèse dans mon... trou d’œil un peu trop petit pour sa prothèse qui est un peu trop grosse...

Stéphanie:

Je le lèche un peu ! Pour le désinfecter ! Quoi ? C'était avant la covid. C'est pas grave, vous le faites avec vos verres de contact c'est la même chose ! Puis là, j'arrête. Parce que même si Andrew lui aussi, il a une prothèse, il trouve ça quand même dégueulasse. Et là, je mets... Je mets son œil et je me dis “Wow... ça, c'est beaucoup mieux qu'un premier baiser”.

Stéphanie:

Et à ce jour, c'est la chose la plus intime que j'ai jamais fait avec qui que ce soit. Et j'ai accouché de deux enfants.

Morgane:

Vous venez d'entendre un extrait de la pièce BLINDSIDE, écrit et interprétée par Stéphanie Morin Robert, mise en scène par Stéphanie Morin-Robert et Jocelyn Sioui. La pièce BLINDSIDE sera présentée au Théâtre Cercle Molière du 14 au 29 octobre. Plus d'informations et billetterie sur cerclemoliere.com ou au (204) 233-8053.

Morgane:

Ce balado a été produit et réalisé par Pop Comm.

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