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Lucas Bessard - L'artisan derrière les skis WOODspirit
Episode 418th December 2023 • Au Coeur de la Création • Puissant Bazar
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Shownotes

Dans cet épisode :

"J'ai l'impression que la différence entre un artiste et un artisan, c'est quand le produit parle pour l'artisan, alors que pour un artiste, c'est souvent l'artiste qui doit expliquer son concept."

De formation, Lucas Bessard est ingénieur en agroalimentaire, mais un concours de circonstances l'a guidé hors du chemin professionnel qui l'attendait. Par curiosité, il a essayé de construire ses propres skis en bois, mais avec des techniques modernes. Au fil des rencontres, cet artisan dans l'âme se dit qu'il y a une piste à suivre.

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Production :

Présentation, rédaction, enregistrement et site internet : Laurent Mäusli

Crédits musiques :

Intro : Dawn de Nicolas Guerrero

Outro : Odyssey d'Edward Abela

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Transcripts

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J'ai l'impression que la différence entre un artiste et un artisan, c'est quand le produit parle pour l'artisan, alors que pour un artiste, c'est souvent l'artiste qui doit expliquer son concept.

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Hello, c'est Laurent. La voix que tu viens d'entendre, c'est celle de Lucas Bessard. Il y a quelques mois en arrière, je ne le connaissais pas du tout et c'est en lisant un article à son sujet que j'ai eu un coup de cœur pour cet artisan. J'ai découvert un homme simple, humble et honnête qui ne se prend pas la tête. Effectivement, il est tout le contraire d'un artiste. Sans trop réfléchir, je décide de l'appeler pour lui proposer une interview. Il hésite, mais il accepte rapidement, tout en précisant qu'il n'est pas très bavard et qu'il faudra peut-être lui tirer les vers du nez. Bienvenue au cœur de la création. Je décide de relever le défi, mais c'est avec une certaine appréhension que je me rends dans le petit village de Cuarnens pour retrouver Lucas dans son atelier. Ok, pour remettre un petit peu dans le contexte, tu fais fabriques des skis avec un noyau en bois de manière très artisanale. Après, ce n'est pas rustique, ça reste quand même très moderne comme ski, mais il y a quand même cette matière. Tu as quand même ce côté très manuel où tu aimes travailler le bois.

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Oui, tout à fait. Le cœur du ski, c'est un noyau en frêne. Ce que j'avais envie de faire et essayer d'envie de faire, c'était d'utiliser les matériaux qu'on utilisait pour fabriquer les premiers skis et puis d'allier ça avec les nouvelles technologies qu'on a actuellement. Je trouve que c'est toujours intéressant de voir ce qu'on savait faire dans le passé et d'essayer de comprendre pourquoi on le faisait comme ça. Et souvent, il y a des raisons bien particulières. Par exemple, on utilisait du frêne parce que justement, c'était un bois qui avait des super propriétés mécaniques et puis qu'on en trouve partout dans nos forêts. Même s'il est un petit peu menacé maintenant, parce qu'il y a des bactéries, je crois, ou qui dégradent une partie des frênes de nos forêts.

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Après, ce n'est pas une passion qui vient de nulle part, parce que tu as toujours aimé travailler avec le bois. Adolescent, je crois que tu aimais faire tes planches de skate en bois.

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Oui, le bois, c'est quelque chose d'assez fascinant. Déjà, les arbres, j'ai l'impression qu'on leur donne une certaine forme de respect. C'est quelque chose qui est vivant, mais qui traverse un peu le temps. C'est difficile à dire, mais ça m'a toujours touché. Je me suis toujours senti bien dans la forêt, quelque chose d'apaisant. Et du coup, travailler le bois, c'est un petit peu magique parce que c'est chaud, c'est vivant, ça se déforme, ça travaille en fonction de la température, de l'humidité. Du coup, je trouve que ça, c'est c'est super intéressant.

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D'ailleurs, ton entreprise s'appelle WOODspirit, donc c'est vraiment ça, l'esprit du bois, comme si... Est-ce que tu as l'impression que le bois te répond d'une certaine manière ? C'est une manière très vivante.

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Oui, WOODspirit, c'est arrivé un petit peu naturellement. C'est difficile à expliquer pourquoi. Je ne sais pas vraiment les mots. Oui, c'est relaxant, en fait. Le bois, c'est relaxant pour moi. C'est naturel, c'est juste là. C'est là que je trouve pas le bon mot.

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Après, il y a des noms qui sont évidents. Je pense que ça s'est imposé à toi et puis si ça fonctionne, si ça te parle, il n'y a pas besoin de faire beaucoup d'études.

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Non, c'est vrai.

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Et en parlant d'études, toi, de formation, tu es ingénieur en agroalimentaire ?

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Oui. Moi, j'ai vécu dans une fromagerie presque la moitié de ma vie ou même plus. Mon père est fromager et moi, je suis avec ma famille, on a grandi en- dessus de la fromagerie. J'ai toujours baigné un peu dans l'artisanat et la transformation de matière. À la fin de mon gymnase, je ne savais pas trop quoi faire. On m'a parlé de cette école d'ingénieurs en agroalimentaire. Ça m'a beaucoup parlé. J'ai adoré mes études, c'était vraiment très intéressant. Petite école à Sion où vraiment, c'était assez épicurien. Chaque prof bricolait un petit peu à la maison, il faisait du vin, il nous faisait goûter pendant les cours. C'était vraiment une super ambiance. Je n'avais pas vraiment réfléchi aux débouchés qui allaient se présenter à la fin de mes études. Je suis parti en voyage et après, je devais aller chercher du boulot. La suite logique, c'était d'aller dans l'industrie, c'est là qu'il y avait du travail. Je cherchais un peu du haut boulot, mais sans vraiment avoir la conviction que j'avais envie de faire ça. À côté, j'ai toujours un petit peu bricolé. Je faisais du ski, c'est une autre de mes passions. J'ai cassé une paire de skis et je me suis dit « Comment on s'est fait une paire de skis ?

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Est-ce que je suis capable de faire une paire de skis avec les outils que j'ai à disposition ? » C'est un petit peu comme ça que ça a commencé. Évidemment, naturellement, c'était l'idée de les faire en bois.

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Tu as toujours eu cette curiosité pour essayer de comprendre les choses ?

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Oui, je pense que oui, ça fait partie de moi. J'ai le cerveau qui fulmine un peu et du coup, l'artisanat, c'est quelque chose qui me fait du bien parce que ça me calme un peu. Je suis dans ce que je fais et puis j'arrête de réfléchir. Je pense que ça me fait du bien. La curiosité, mais des fois, on peut se faire un peu gagné par ça et du coup, de se poser. Et puis justement, on revient à travailler les matières premières comme le bois et ça me fait du bien.

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Tu dirais que t'as un caractère assez... T'es dans l'action ou bien t'as besoin quand même de réfléchir à tes projets avant de les concrétiser ?

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Je dirais que je suis assez fonceur. J'y pense et puis assez vite, je me dis « Je dois réaliser » parce qu'au final, ça me suffit pas de juste y réfléchir. J'ai l'impression que c'est qu'en faisant qu'on se rende compte où sont les difficultés, qu'est-ce que ça implique. On peut imaginer plein de choses, mais on n'arrive jamais à imaginer la réalité.

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J'ai vu dans un article, tu disais que tu avais commencé plus ou moins l'hiver 2014-2015.

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Oui, les premiers skis que j'ai fabriqués.

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Tu parles de différentes coïncidences, concours de circonstances. Est-ce que tu peux un petit peu m'expliquer comment ça a démarré ? Est-ce que tu t'es aussi déchiré les ligaments, puis tu t'es retrouvé à ne pas savoir quoi faire ? C'était cet hiver- là ou bien ?

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Oui, c'est vrai que j'avais un peu oublié ça. C'est très bien renseigné. Je me suis déchiré le ligament et c'est vrai que c'était un peu un coup dur pour moi. Je n'avais jamais eu de blessure auparavant. Du coup, je me suis un peu dit « La santé, c'est quand même important. » Je ne pouvais plus faire ma passion qui était le ski. Je me suis dit « Waouh, en fait, c'est faut rebondir ». J'ai vraiment, je pense, eu un coup de mou. C'était un peu la première fois que je me suis dit « Attends, s'il se passe quelque chose, tu ne peux plus faire ce que tu faisais avant. » Et ça a pris pas mal de temps. Je n'ai pas pu me faire opérer tout de suite. J'ai eu des cannes pendant un moment. Ensuite, j'ai récupéré... Je pouvais marcher, mais je ne pouvais pas faire trop de sport. Et je me suis fait opérer après six mois où j'avais plus ou moins récupéré. Et du coup, après l'opération, c'était reparti pour de la rééducation. Et finalement, j'ai traîné un peu cette blessure pendant une année ou même plus. Ça m'a un père et demi, d'avoir un peu une autre vision et d'essayer d'adapter ce que je pouvais faire.

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J'ai commencé un peu à réfléchir à bricoler un peu plus dans l'atelier. Je me suis fait un bus camping pendant ce temps- là. Et puis, le projet en parallèle, c'était les skis. Les circonstances, les coïncidences, c'est... Je ne savais pas trop quoi faire. Je cherchais du travail, il n'y a rien qui venait. J'avais fait une paire de skis comme ça. Il y avait une journaliste qui était venue à la Lettrie pour tout autre chose. Elle avait vu cette paire de skis et elle m'a dit « Waouh, c'est quoi ? C'est super, c'est toi qui fait ? » Du coup, on a un petit peu discuté. Elle me dit « C'est incroyable, il faut développer tout ça. »je me suis dit « Ça intéresse quelqu'un. »du coup, ça m'a un peu poussé. Tout était facile. Je demandais quelque chose à quelqu'un, il était intéressé, il me donnait un coup de main. Ensuite, il y a eu la rencontre avec Nicolas Falquet, freerider des Marécottes, que je lui ai posé la question si on pouvait tester mes skis. Tout de suite, il y a tout de suite eu un super contact. Il est venu à l'atelier, on a un peu discuté.

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Il était avec une marque de ski et deux semaines après, il me dit « Écoute, j'ai envie de faire l'aventure avec toi. » Et il a lâché sa marque de ski. Moi, je n'avais pas vendu une seule paire de skis. J'avais vraiment peut-être quatre, cinq skis que j'avais fait. Et puis, ce n'était vraiment pas au points. Et puis, il m'avait dit « T'inquiète pas pour ça, c'est pas ça qui m'intéresse. » C'est plus l'aventure. » Du coup, il y avait plein de petits signes qui me disaient « T'es sur la bonne voie parce que c'est stimulant, c'est facile. Ça évolue dans le bon sens. » Donc, je me posais pas trop de questions.

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Mais pour comprendre le début, c'est toi qui est venu vers Nicolas Falquet pour lui demander « Qu'est-ce que tu penses de mes skis ? » Ça s'est passé comment ?

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Ouais, exactement. Moi, je connaissais pas du tout. Je connaissais pas vraiment le milieu du ski. Regarder du sport à la télé, ça me passionne pas vraiment. Et du coup, je suis allé au Festival du Film aux Diablerets. Et puis, il y avait justement ces deux frères qui venaient des Marécottes, donc presque la vallée d'après, qui avaient l'air d'être accessibles et rigolos, et qui étaient assez déconneurs. Du coup, j'ai essayé de les contacter par les réseaux sociaux. Et le premier contact, il m'a dit « Ton projet, ça m'intéresse, mais j'ai pas le temps en ce moment. Reviens vers moi avant l'hiver. » Et puis finalement, je l'avais relancé. Il m'avait un peu dit « Ouais, c'est pas le moment, mais il faut vraiment qu'on se voie. »du coup, on s'était revu l'année d'après au Festival du Film. Et puis, il y a eu super contact et c'est un peu comme ça que ça a commencé.

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Et là, tu avais déjà confiance en ton ski, dans la fabrication ou bien est-ce que t'as beaucoup appris sur le tas ?

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Non, c'était complètement freestyle. C'était enfin, je ne savais pas du tout ce que je faisais. J'avais juste envie. Ça fait beaucoup. Ça fait beaucoup. Et du coup, j'ai l'impression que les gens qui m'ont tendu la main voyaient que j'avais cette envie- là et je pense qu'ils ont été touchés et du coup, ils se sont dit « Si on peut faire un petit geste pour l'aider, allons- y.

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»dès le début, tu as fait tes prototypes, puis tu as dit à Nicolas Falquet « Essaye », puis tu me redis « C'est un.

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Peu ça ? C'est un peu ça le but. » Je l'ai contacté pour qu'il me fasse un retour, un petit peu pour voir où j'en étais, juste si j'arrivais à faire quelque chose qui était skiable ou pas. Moi, j'avais essayé mes skis, mais on n'est pas forcément le plus objectif. Et puis je me disais, il faut que je trouve quelqu'un qui est un peu professionnel là- dedans pour me faire un retour. » Et puis moi, je n'avais pas dans l'idée qu'il devienne mon ambassadeur l'ambassadeur de la marque. Et puis, c'est lui qui l'est arrivé. Ça tombait plutôt bien. C'était la fin de sa carrière plus ou moins. Du coup, il avait tourné sur toutes les marques et tous les skis et il avait besoin d'un autre challenge. Et du coup, c'est lui qui m'a proposé de m'aider à faire le développement et puis un petit peu la commercialisation et le côté marketing et visuel.

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Après, pour le côté technique, je crois que tu es aussi allé frapper à la porte d'Henri Nidecker, donc des snowboards Nidecker.

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Oui, ça, c'était...

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C'était aussi assez au début ?

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C'était tout au début, oui. Du coup, j'ai vu qu'ils vendaient un petit peu de matériel pour fabriquer des snowboards. Du coup, je suis allé négocier des machines à Roll. Henri Nidecker, lui, je pense qu'il était de loin à la retraite, mais j'ai retrouvé, en discutant un peu avec lui, j'ai retrouvé un enfant qui avait les yeux qui pétillent en parlant de ses snowboards. J'ai regardé ses mains, il avait les mains toutes pelées parce que je pense qu'il avait fait de la résine depuis je ne sais pas combien de temps. Je voyais qu'il était vraiment passionné par ça, qu'il avait mis les mains dans le cambouis. J'ai été touché par ce ce personnage. Du coup, il m'a donné un peu des conseils qu'il avait.

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Progressivement, t'as appris vraiment comment faire un ski dans les règles de l'art ? Vraiment avec toutes les spécificités ?

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C'est-à-dire que ça s'est fait au cours du chemin. C'est-à-dire qu'encore maintenant, je développe les skis et je essaie de trouver des solutions. Il y a des choses que j'ai peut- être pris quatre ou cinq ans avant de trouver une solution, quelque chose qui fonctionne. C'est un peu des casse- têtes où finalement, on y réfléchit un peu tout le temps, on essaie de se renseigner, de faire des tests, de trouver des moyens. C'est assez stimulant d'essayer. Surtout quand on prend autant de temps pour trouver une solution, quand on y arrive, c'est génial.

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C'est un petit puzzle à.

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Résoudre à chaque fois. C'est vrai que ce que j'ai toujours dit, c'est que le jour où il n'y a plus de challenge, il faut que je fasse autre chose, parce que ça veut dire que je ne m'amuse plus.

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Après, tu l'as dit, c'est un petit peu un marché de niche. Quand tu fais des skis sur mesure, t'as différents modèles et puis le client vient vers toi et te dit « J'aimerais ce modèle », mais il te dit exactement ce qu'il veut au niveau de la rigidité du ski, que des finitions. Donc ça te convient d'avoir ce marché de niche où c'est sur mesure ? Tu n'aimerais pas le vendre en magasin ? Tu l'as déjà dit -là ?

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Ce qui est intéressant pour moi, c'est de faire des skis sur mesure, c'est- à- dire que ce n'est pas des séries. Chaque ski est unique et l'envie que j'avais, c'était de... Enfin, l'envie... Tout ce que je trouve intéressant, c'est d'avoir un échange avec la personne qui skie directement et puis d'essayer aussi de sensibiliser au fait que pour un ski, pour tout ce que toute matière ou tout produit qu'on achète, mais il y a un travail derrière, il y a des matériaux, il y a du temps. Et puis, de faire venir les gens à l'atelier, de leur montrer comment c'est fait, de les intégrer un petit peu à la production, à la fabrication, ça donne une autre dimension aux produits et du coup, j'ai l'impression que ça lui donne une autre valeur. Et des fois, j'ai un peu l'impression que qu'on oublie et qu'on consomme sans se rendre compte de qu'est- ce que ça implique. C'est pour ça que moi, je trouve que c'est super important de faire les choses, parce que c'est que là qu'on se rend compte de l'énergie qu'il faut mettre pour obtenir, par exemple, une tomate ou... Je reviens à l' alimentaire parce que je trouve que c'est un petit peu dommage, parce que c'est des biens essentiels et finalement, on les négligent et on n'a pas vraiment de respect et pour les travailleurs et pour la Terre et des fois son propre corps vu qu'on consomme n'importe quoi.

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Oui, on perd le lien avec tout le processus. On ne sait plus d'où ça vient, comment c'est produit et tout le travail qu'il y.

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A derrière. Exactement. Justement, j'avais envie de recréer le lien avec les personnes qui vont skier directement.

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C'est une collaboration entre toi et les clients ? Oui, exactement. Est-ce que tu es un client type ? Tu arriverais à dire qui sont tes clients ?

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Je dirais pas vraiment de client type, mais ces derniers temps- là, je dirais cette année, le client type, c'est un cadeau pour un mari.

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Ok, joli.

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C'est une femme qui veut offrir un cadeau à son mari pour ses 40, 50, 60 ans.

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Est-ce qu' à quelque part, t'as l'impression que c'est un produit de luxe, le fait que ce soit sur mesure ?

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Oui, je pense que c'est un produit de luxe au vu du prix et du temps que ça prend et qu'on peut trouver des skis à 300 francs sur le marché. Après, je pense qu' en Suisse, on produit quelque chose en Suisse, on est obligé de partir un petit peu dans les produits haut de gamme.

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Pour qu'on ait une idée, ça tourne plus ou moins autour des deux mille francs pour une paire de skis ?

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Oui. Le premier prix, c'est 2 200 francs, sans personnalisation.

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Forcément, on dit « C'est cher, mais tu mets combien de temps pour produire une paire ? » Disons, combien de temps est-ce que tu prends pour tout le processus ? Du moment où est-ce que le client commence à échanger avec toi, dire plus ou moins ce qu'il veut, puis après, tu dois commencer à produire le ski. C'est un processus qui s'étale sur combien de temps ?

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Ça dépend des clients. Ça dépend des clients. Non. Je dirais, de fabrication, il faut à peu près 20, 30 heures. Et après, d'échanges avec les clients, c'est vrai que ça dépend. Plus j'ai de l'expérience, plus je sais aussi les guider et puis, j'ai remarqué qu'on donne trop de choix et on peut se perdre. C'est important de bien communiquer pour essayer de comprendre les besoins du skieur. Aussi, que moi, je puisse leur dire « Non, ça, c'est pas possible. Ça ne fonctionne pas. C'est trop compliqué ou c'est infaisable. » Du coup, plus on a d'expérience, plus c'est facile à avoir un dialogue clair et précis.

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Est-ce que tu dois prendre du temps pour expliquer, pour justifier ce prix ou bien est-ce que les clients qui viennent vers toi y comprennent ?

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Les clients qui viennent vers moi, je dirais qu'ils sont au courant du prix d'une paire de skis. Parce qu'en fait, ici, on est à Quarnon, donc ce n'est pas une zone alpine de passage. Donc, les gens qui viennent ici, ils sont déjà dans le processus. Ils ont déjà passé le cap de dire « C'est cher, c'est pas cher. » Ils sont déjà dans une autre réflexion. Ils ont déjà accepté que les prix et la pratique que je propose. C'est pas comme si j'avais... Des fois, je fais des ski tests ou comme ça. Du coup, là, c'est plus des gens qui sont de passage. Là, des fois, les gens peuvent se dire « C'est cher. » Après, quand on leur dit le nombre d'heures ou... Je dirais que ça dépend tout de ce que font les gens. Genre les personnes qui sont dans... C'est un peu cliché, mais les personnes qui sont dans la matière ou dans le travail des secteurs primaires et secondaires, ils ont une petite notion de qu'est-ce que ça vaut une heure de travail, qu'est-ce que ça vaut du bois pas de la résine, pas forcément de la résine en spécifique, mais ils ont une idée de ce que c'est une heure de travail en Suisse.

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D'autres personnes sont scandalisées parce que peut- être qu'ils sont en passe contact avec la notion de chiffre ou je ne sais pas.

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Et pour toi, est-ce que ce prix est juste ou bien est-ce que c'est vraiment un projet de passionné ou t'es un petit peu sous- payé ?

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Je dirais que mon prix, il a évolué depuis sept ans et tout d'un coup, c'était 1 000 francs, ensuite 1 600 francs et puis finalement 2 200 francs. Je ne l'ai pas avant et du coup, j'ai repris exactement mes charges le temps que ça me prenait de faire une paire de skis. Et là, c'est le prix juste pour que je gagne ma vie en faisant une paire de skis.

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Donc, tu es à l'aise avec ce prix par rapport au travail qui est derrière, par rapport à la qualité du ski.

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Exactement, oui. Je pense que je ne suis pas cher par rapport aux prix que je vois qui est pratiqué à l'auto horaire de de certaines professions.

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Il ne faut pas trop réfléchir aux prix à l'heure, sinon on se pose trop de questions.

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Mais.

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Justement, en ce moment, c'est un peu compliqué de tourner avec ce genre de projet. Donc, t'as dû un petit peu te résoudre à travailler à côté pour pouvoir payer tes factures, finalement.

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Oui, c'est vrai que ça fait maintenant septième saison. J'ai mis beaucoup d'énergie à beaucoup de temps dans ce projet. Ça m'a porté énormément. J'ai fait des super rencontres, j'ai découvert plein de choses et c'était ça un peu mon salaire. Et donc maintenant, j'ai 33 ans. J'ai envie de me stabiliser un petit peu plus, possiblement créer une famille. Et du coup, pas tout seul, ça fonctionne. Je vivote, entre guillemets, mais je n'ai pas de grands besoins. Mais si j'ai envie de fonder une famille, je pense que c'est nécessaire que j'aille une rentrée d'argent à côté. Et puis aussi, là, je suis un peu fatigué du manque de stabilité, de vision un petit peu plus long terme.

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Tu as besoin d'avoir ce revenu régulier pour pouvoir penser à l'avenir et être un petit peu plus calme, plus serein.

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Oui, exactement.

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Donc ça reste un projet qui est d'actualité, mais que tu as mis un petit peu de côté. Mais si on veut te commander des skis, c'est.

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Toujours possible. Oui, tout à fait. C'est juste que là, j'ai un petit peu... Je ne sais pas si je me vois aller la face ou pas avant, mais là, je me suis avoué à moi- même que pour vivre, ça va pas suffire. Du coup, il faut que j'aille une alternative. J'ai vécu en coloc, dans des campings et du coup, j'avais peu de loyer ou voire pas de loyer. Et puis maintenant, j'ai un loyer, des charges et je me rends compte qu'il faut grandir aussi un petit peu.

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Tu as eu un petit peu de la pression de la part de ton entourage qui t'ont dit « Oui, Lucas, est-ce que tu en es ou bien est-ce que c'est ta décision ?

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» Non, je crois pas que j'ai eu de pression. C'est sûr qu'il y a eu beaucoup d'inquiétude au début. Après, je m'en suis toujours sorti. Je me débrouille. Je sais très bien que si nécessaire, je peux travailler, faire des heures à gauche, à droite. J'ai aussi une formation en agroalimentaire. C'est possible de de trouver du travail. C'était plus moi qui avait besoin de stabilité.

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Qu'est-ce qui te manquerait pour que ça démarre vraiment, pour que tu puisses faire que ça ?

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Je crois que je n'ai pas envie de faire que ça. J'ai envie de le garder comme je l'entends, c'est- à- dire de ne pas me travestir et ne pas devoir faire des choses que je n'ai pas envie et de faire brader mon produit. Pas brader mon produit, mais j'ai envie de faire ça plus sereinement, dans le sens où je choisis si je n'ai pas envie de faire quelque chose, je ne le fais pas, que je n'ai pas d'obligation.

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Que tu puisses refuser si ça.

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Ne te plaît pas. Exactement. Et ça, je pense que c'est chouette. Si on peut le faire, je pense que c'est chouette. Et aussi, j'ai l'impression que ça peut donner plus de valeur aux produits, que quand on est dans le besoin, les gens le sentent et puis des fois, ça détériore un petit peu le travail.

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Donc, tu n'as pas besoin de faire des compromis tu peux dire non et.

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Puis- Exactement.

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Tu es libre.

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Oui, c'est ça, c'est exactement. C'est une forme de liberté. Je pense que c'est ça que j'ai besoin, une liberté financière pour garder mon éthique.

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Très bien. Parce que moi, j'allais dire, peut- être que tu recherches des partenariats ou bien...

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J'y ai pensé. J'ai pensé à pas mal de choses. Et puis, d'aller dans l'ultra luxe, d'aller toquer à des portes des grandes enseignes, de faire plein de choses. Puis, en fait, je me disais, mais à quoi bon ? À quoi bon de faire ça ? C'est pas toi, c'est pas ton truc, c'est pas ton milieu. Reste libre. Libre de faire ce que t'as envie. Et je crois que ça me plaît bien.

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Donc, tu te vois faire ça encore aussi longtemps que possible ?

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Oui. J'ai juste été un journaliste qui est venu, qui faisait une série sur des artisans. Il allait prendre cinq artisans dans leur atelier. J'étais un peu en pleine réflexion, puis je lui ai posé la question « Comment il faisait pour vivre les autres artisans ? » En fait, il me disait qu'ils avaient tous quelque chose d'autre à côté. Ou bien que c'étaient des personnes qui avaient 70, 80 ans et qui continuaient leur artisanat, mais que finalement, qui étaient plus vraiment actifs. Et du coup, je me suis dit « Si tu veux garder cette activité telle qu'elle est, il faut peut- être travailler dans autre chose et garder ça intact.

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» D'ailleurs, est-ce que tu vois comme un artiste avec ce côté créatif qui est très présent ou est- ce que c'est avant tout du savoir- faire, le côté technique ?

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Non, moi, je ne sais pas pourquoi artiste. J'ai l'impression que c'est un côté pejoratif là- dedans. Quand on me parle d'artiste, j'ai l'impression que c'est toujours des concepts, beaucoup de mental.

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C'est tout dans la tête, c'est que de l'abstrait à quelque part.

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C'est que de l'abstrait à quelque part ? Après, c'est pas toujours le cas. Maintenant, moi, je me considère pas du tout comme un artiste. Moi, je me considère comme un artisan qui crée des biens. J'ai l'impression que la différence entre un artiste et un artisan c'est quand le produit parle pour l'artisan, alors que pour un artiste, c'est souvent l'artiste qui doit expliquer son concept. J'ai eu un peu cette réflexion parce que j'avais été à.

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L'association.

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Des métiers d'art et c'était à Genève pendant... En gros, c'était à Pâques Expo où il y a plein de galeries d'art qui présentent. Et puis, il y avait une petite partie qui était dédiée à cette remise de prix des artisans d'art. Je trouvais que c'était rigolo le contraste entre ce « bling- bling » et puis, cette remise des prix qui était assez sobre. Et puis finalement, où je me suis entendu avec les gens qui étaient c'est là parce que c'étaient des gens qui touchent à la matière et qui étaient juste simples, j'ai l'impression. Mais après, je crache pas du tout sur les artistes. Je trouve que c'est chouette, mais je me considère pas du tout comme un artiste, non.

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Ok. Moi, ça me va aussi. Qu'est-ce que t' aurais comme rêve ? Parce qu'il y a toujours des projets qui te poussent, t'as envie de t'améliorer. Si on te donnait plus de moyens, est-ce que tu ferais autre chose ? Toujours par rapport au ski. Plus de temps et plus d'argent.

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Bonne question.

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Ou est-ce que tu contacterais d'autres personnes ?

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Non, ce que j'aimerais bien faire, c'est peut- être plus de collaboration. Collaboration, peut-être justement avec des artistes. Et en fait, essayer plus de choses. Ce qui me plaît à moi, c'est le développement. Et du coup, évidemment que quand on fabrique des skis Quand on fabrique des skis pour des clients, on peut pas essayer de nouvelles choses, parce qu'il faut que le ski fonctionne. Et du coup, si j'avais plus de temps et d'argent, je ferais que des prototypes.

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Plus le côté recherche, essayer des choses.

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Peut-être que je serais un artiste.

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Est-ce que t' aimerais aussi travailler avec d'autres freeriders pour avoir d'autres retours aussi ?

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Je pense que ça sera intéressant. Après, comme je disais « d'autres personnes », c'est plus d'autres personnes qui sont dans la matière, dans l'artisanat. Je trouve que c'est intéressant d'échanger avec les gens qui ont un savoir- faire. Après, le ski, c'est un savoir- faire, mais un savoir- faire de création.

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D'accord, dans d'autres domaines qui sont... Mais toujours dans la fabrication ? Oui.

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Ou dans l'esthétique ou des gens inspirants.

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Très bien. Je te souhaite plein de belles choses pour la suite et que ça continue comme ça.

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Merci.

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On peut suivre ton travail sur ton site personnel, donc woodspirit.swiss, en anglais. Oui, exactement. Tu as toutes les infos. Et puis, je pense que tu es aussi un petit peu sur les réseaux sociaux.

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Oui, sur Instagram, @woodspiritski. Et puis Facebook.

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Je.

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Ne sais pas le nom de la page. Woodspirit, ça doit être ça.

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D'accord. Bonne suite. Beaucoup de poudreuse pour toi.

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Merci. Et puis.

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Y a beaucoup de plaisir dans ce que tu fais.

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Merci à toi.

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À bientôt. Ciao. Merci de nous avoir écoutés. Cet épisode a été réalisé et produit par Puissant Bazar, donc par moi, Laurent. Ma liste d'invités est pour l'instant un peu courte. Si tu as en tête quelques noms d'artistes que je pourrais inviter ou si toi- même tu aimerais participer à l'émission, envoie-moi un message à laurant@puissantbazar.ch. Je reviens dans un mois avec une ou un nouvel invité. D'ici là, prends soin de toi et à tout bientôt. Merci.

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